domingo, diciembre 02, 2007

Comment Uribe a torpillé


Crédito Foto AFP

Comment Uribe a torpillé
la médiation Chavez
Roméo Langlois et Pascale Mariani, Caracas
30/11/2007 | Mise à jour : 20:40


La diffusion hier des preuves de vie de l'otage franco-colombienne et d'autres captifs aux mains des rebelles colombiens est une victoire diplomatique pour le président Uribe, un tenant de la manière forte.
Contre toute attente, c'est le gouvernement colombien qui a présenté les preuves de vie tant attendues d'Ingrid Betancourt. Jeudi dans la nuit, à Bogota, Luis Carlos Restrepo, le haut-commissaire pour la paix d'Alvaro Uribe, a annoncé que les autorités colombiennes avaient arrêté des miliciens des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc) en possession de vidéos, de photos et de lettres des otages.

Un soulagement, certes, pour les familles. Mais pour les partisans d'une solution négociée, la divulgation des preuves de vie par Alvaro Uribe reste le pire scénario possible : elle consacre l'échec d'une médiation prometteuse, celle du président vénézuélien Hugo Chavez. Et elle signe le retour en force dans le dossier d'Alvaro Uribe, qui a toujours prôné la manière forte pour le régler.

Tout indique que le président colombien, dont la volonté de négocier avec la guérilla un échange de prisonniers (otages contre guérilleros emprisonnés) peut être sérieusement mise en doute, a tout fait pour torpiller les efforts de Chavez, finalement démis la semaine dernière de son rôle de médiateur. Depuis, les deux pays voisins sont à couteaux tirés.

Les preuves de vie des otages, et notamment d'Ingrid Betancourt, étaient attendues comme un trophée diplomatique. Malgré trois ans d'un patient et discret travail de facilitation, la France n'était pas parvenue à les obtenir, et Paris se félicitait de l'entrée en jeu de Chavez, considéré comme le seul homme capable de fléchir l'implacable guérilla. Depuis, les nouvelles des otages étaient plutôt attendues du côté de Caracas.

Chavez, médiateur depuis le mois d'août, avait réussi à nouer d'étroits contacts avec la direction des Farc. Il avait demandé à la guérilla de lui faire parvenir les preuves de vie et espérait remettre en mains propres, le 20 novembre, celles d'Ingrid Betancourt à Nicolas Sarkozy lors de son voyage à Paris. La guérilla n'avait pu respecter cette date mais s'était engagée à les lui remettre d'ici à la fin de l'année. On disait même les Farc prêtes à faire d'importantes concessions sur les conditions d'un échange de prisonniers. Peut-être même à libérer un premier groupe de séquestrés. Bref, pour la première fois depuis des années, le dossier, enfin, semblait se dégripper.

Est-ce parce que l'affaire avançait qu'Uribe, prétextant une gaffe diplomatique de Chavez, le démettait brutalement, la semaine dernière, de son rôle de médiateur, provoquant la colère de l'imprévisible tribun vénézuélien ? Ulcéré de voir pêle-mêle Chavez, les Farc, et même l'une de ses plus féroces opposantes, la sénatrice colombienne Piedad Cordoba, gagner grâce aux otages une audience internationale, Uribe attendait son homologue vénézuélien au tournant. Si ce dernier était arrivé à Paris avec les preuves de vie d'Ingrid, Uribe aurait difficilement pu le congédier ainsi.

Cruelles conditions de détention

Les preuves auraient fait l'objet d'une traque dans les jungles colombiennes. Selon une source proche des Farc, Uribe aurait mis en branle pour les intercepter tout l'appareil militaire. Ces dernières semaines, plusieurs régions où pouvaient se trouver les otages ou les messagers des Farc acheminant les vidéos et les lettres auraient été le théâtre d'opérations militaires et de bombardements accrus.

Les preuves de vie d'Ingrid Betancourt et des autres otages sont un premier résultat, tardif, de la médiation avortée d'Hugo Chavez. Il n'est pas anodin que l'obtention de ces preuves par Alvaro Uribe soit le fruit d'une opération militaire. Les cruelles conditions de détention des otages, mises en évidence par les images montrant l'otage franco-colombienne en triste état, permettent au président colombien de durcir encore son discours. Une fois de plus, les familles des otages sentent qu'elles ont été jouées. Elles misent à présent sur le groupe des trois «pays amis» (la France, la Suisse et l'Espagne), qui devraient reprendre, dans un contexte plus difficile que jamais, leur rôle de bons offices.

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